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25 octobre 2019 5 25 /10 /octobre /2019 12:48

Exterminations, esclavage et mondialisation:

quand le XIXème siècle programme le nôtre

 

Il y a des paroles et des écrits étonnants au vu de l'Histoire, provenant de penseurs célèbres,enseignés et discutés dans les cercles et les institutions les plus officielles. il est bon de les remettre sur le devant de la scène aujourd'hui pour comprendre, ce qui a pu se passer depuis presque deux siècles. On peut toujours dire qu'ils ne voulaient pas dire ce qu'ils ont écrit, mais l'Histoire semble bien avoir réalisé une bonne partie de leurs vœux. On peut aussi dire que le contexte les excuse, voire forer ce néologisme: "contexcuser" les grands hommes... Mais leurs temps abondaient aussi d'Humanistes désirant hisser tout le monde vers le haut.  Extraits de Q(o)uest, les chemins du Graal, éditions Brumerge, 2018, version brève:

Quand Engels programme l'extermination des peuples et une guerre mondiale

 

(...) Engels souhaitait, dans le numéro de La Nouvelle Gazette Rhénane du 13 janvier 1849,  la fin des peuples antirévolutionnaires tels les Bretons, les Basques, les Écossais des Highlands en même temps que celles des classes dirigeantes, dans une prochaine grande guerre mondiale. Écoutons-le :

« Il n’y a aucun pays en Europe qui ne possède quelque part les restes d’un ou plusieurs peuples, survivances d’une ancienne population refoulée, et soumise par la nation devenue plus tard l’élément moteur de l’évolution historique. Ces survivances d’une nation impitoyablement piétinée par la marche de l’Histoire, comme le dit Hegel, ces déchets de peuples deviennent chaque fois les soutiens fanatiques de la contre-révolution, et ils le restent jusqu’à leur extermination et leur dénationalisation définitive ; leur existence même n’est-elle pas déjà une protestation contre une grande révolution historique ? La conflagration générale amènera l’éclatement de cette ligue séparatiste et fera disparaître jusqu’au nom de ces petites nations obstinées... La prochaine guerre mondiale ne se contentera pas de balayer de la surface de la terre des classes et des dynasties réactionnaires, mais aussi des peuples réactionnaires tout entiers. Et cela aussi, c’est un progrès. »

(...)

Ernest Renan : une certaine idée de l'Humanité

 Personnage quasiment oublié de l'histoire littéraire officielle, parce qu'un peu embarrassant, on va le voir, célébrissime dans la deuxième moitié du XIXème siècle, Ernest Renan a exprimé clairement la marche du monde qui est toujours la nôtre, nos choix et nos conflits programmés, semble-t-il, il y a déjà quelques années. Dictature de la science, guerre contre l'Islam, mondialisation et répartition géographique des productions, domination du Blanc, Renan, qui avait annoncé que la Prusse entraînerait le monde dans une guerre sanglante, offre un tableau de la vision dominante du monde à son époque, pour le meilleur et pour le pire. Écoutons plutôt :

 « La fin de l'Humanité, c'est de produire des grands hommes ; le grand œuvre s'accomplira par la science, non par la démocratie. » Dialogues et fragments philosophiques, 1876

 « L'islam est la plus complète négation de l'Europe ; l'islam est le fanatisme, comme l'Espagne du temps de Philippe II et l'Italie du temps de Pie V l'ont à peine connu ; l'islam est le dédain de la science, la suppression de la société civile ; c'est l'épouvantable simplicité de l'esprit sémitique, rétrécissant le cerveau humain, le fermant à toute idée délicate, à tout sentiment fin, à toute recherche rationnelle, pour le mettre en face d'une éternelle tautologie : Dieu est Dieu (…) » Discours au Collège de France : De la part des peuples sémitiques dans l'Histoire de la civilisation, 1862.  

 « La nature a fait une race d'ouvriers. C'est la race  chinoise, d'une dextérité de main merveilleuse, sans presque aucun sentiment d'honneur ; gouvernez-la avec justice en prélevant d'elle pour le bienfait d'un tel gouvernement un ample douaire au profit de la race conquérante, elle sera satisfaite ; une race de travailleurs de la terre, c'est le nègre : soyez pour lui bon et humain, et tout sera dans l'ordre ; une race de maîtres et de soldats, c'est la race européenne. Que chacun fasse ce pour quoi il est fait et tout ira bien. » La Réforme intellectuelle et morale, 1871.

 « Nous aspirons, non pas à l’égalité, mais à la domination. Le pays de race étrangère devra redevenir un pays de serfs, de journaliers agricoles ou de travailleurs industriels. Il ne s’agit pas de supprimer les inégalités parmi les hommes, mais de les amplifier et d’en faire une loi. » La Réforme intellectuelle et morale, 1871.

 Renan fut un analyste assez condescendant de sa région d'origine, la Bretagne, mais il en mit aussi en Lumière la capacité de transcendance et le génie :
« Les petits peuples doués d'imagination prennent d'ordinaire ainsi leur revanche de ceux qui les ont vaincus. Se sentant forts au dedans et faibles au dehors, ils protestent, s'exaltent, et une telle lutte décuplant leurs forces les rend capables de miracles. Presque tous les grands appels au surnaturel sont dus à des peuples espérant contre toute espérance. Qui pourra dire ce qui a fermenté de nos jours dans le sein de la nationalité la plus obstinée et la plus impuissante, la Pologne ? Israël humilié rêva la conquête spirituelle du monde, et y réussit (...).
 On oublie surtout que ce petit peuple, resserré maintenant aux confins du monde, au milieu des rochers et des montagnes où ses ennemis n'ont pu le forcer, est en possession d'une littérature qui a exercé au moyen âge une immense influence, changé le tour de l'imagination européenne et imposé ses motifs poétiques à presque toute la chrétienté. (...) la femme telle que l'a conçue la chevalerie, - cet idéal de douceur et de beauté posé comme but suprême de la vie, - n'est une création ni classique, ni chrétienne, ni germanique, mais bien réellement celtique. »  L'Âme celtique (La poésie des races celtiques) 1854.

 Non exempt de contradictions, Renan fut aussi avec Chateaubriand et Lamennais, deux autres Bretons, un des initiateurs du Romantisme en France.
 On comprend mieux en le lisant et en voyant la suite de l'histoire du XXème siècle pourquoi le nationalisme est aujourd'hui si craint. Pourtant, ceux-là mêmes qui nous mettent en garde contre la notion de race et d'identité des peuples appliquent le programme de « normalisation » du monde de Renan. Et, à leur service, les plus bien-pensants et bienveillants envers les peuples sont les plus zélés à leur nier leur âme, individuelle ou collective, au nom des progrès d'une science et de lumières qui les libéreraient. Ce qui est d'ailleurs tout à fait contraire à la théorie hegelienne d'une Raison se réalisant à travers l'Histoire grâce à des grands hommes captant l'âme des peuples et leur permettant de réaliser leur génie propre dans l'intérêt de toute l'Humanité. Si Hegel parla lui-même de "résidus de races" supplantées par d'autres, comme Engels, il en appelait cependant à cette âme qui habite chaque peuple.

 

 

 

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